Les tablatures… pour ou contre ?

Un vaste débat, sans fin. Je vais quand même tenter de m’y coller, dans le style thèse/antithèse/synthèse. Vous en ferez ce que vous voudrez, mais retenez quand même que oui, elles sont à la fois très utiles mais qu’il est dangereux voire suicidaire de ne pas s’en détacher.

Le système de tablatures est particulièrement adapté aux formes de musique « traditionnelles », qu’il s’agisse du banjo, de l’accordéon diatonique du dulcimer ou de la guitare. Pas très adaptées à retranscrire toutes les informations présentes sur une partition classique, certes, mais souvent – et c’est le cas au banjo – croches et noires sont les principales indications de durée utilisées et suffisantes. Exit les triple croches pointées et autres émoluments chers à Debussy ou Mozart. Bum-ditty, n’est-ce pas ? Et comme la musique populaire n’est pas destinée à être copiée/collée mais adaptée selon le feeling et le niveau de chacun, pas besoin d’indications de vélocité (genre forte, pianissimo, etc.). Elles sont visuellement intuitives et de ce fait se rapprochent assez bien de ce qu’un musicien pourrait vous montrer directement sur son instrument.

Autre intérêt : elles sont faciles à diffuser (une feuille de papier, un pdf de quelques ko à imprimer éventuellement) et permettent « de garder une trace » de la façon de jouer tel ou tel morceau. Je ne m’étendrai pas sur les apports de l’écriture dans notre civilisation, en voilà typiquement un, même s’il est appliqué à la musique et à la culture orale. Lorsque j’apprends un morceau « d’oreille » je le grave systématiquement sur une tablature. Idéal si je le laisse de côté quelques semaines, la lecture de la tablature me remet tout ça en mémoire.

Alors oui – a fortiori pour un débutant qui se concentre sur la technique et ne maîtrise pas encore son manche – les tablatures sont d’une grande valeur .

Encore faut-il « saisir » le morceau, en ressentir l’esprit, le groove, appelez cela comme vous voudrez. Cela reste vrai pour une partition « classique » : il existe autant de versions du Requiem de Mozart qu’il n’y a de chefs d’orchestre. Et de musiciens. Même si les notes sont imposées. Mais dans la musique traditionnelle, tout au plus se contente-t-on d’une mélodie. Il y a cinquante mille façons de jouer un fiddle tune au banjo, de l’arranger à sa façon. Rester scotché à une tablature n’a pas grand intérêt. D’autant que l’auteur de l’arrangement, à niveau technique égal, jouera le morceau différemment de vous. Cela explique que certains passages paraissent « difficiles » pour l’un et non pour l’autre. Ne pas confondre « difficile » et « contre-intuitif ».

Aussi est-il essentiel d’oublier les tablatures, une fois un certain niveau atteint, pour s’approprier le morceau. Répéter une grille de dix mesures indéfiniment sans être capable d’y apporter des variations n’a pas grand intérêt. Ne pas être capable de trouver soi-même un arrangement en entendant une mélodie, ce n’est pas être capable de jouer d’un instrument. Nous ne sommes pas des singes savants. Nous sommes des savants qui adorons faire le singe !

Pour autant, enseigner c’est répéter. A force d’apprendre des morceaux, on finit par emmagasiner des patterns, des idées, dont on se rend compte qu’ils/elles reviennent. Qu’on s’approprie. Qu’on joue différemment. Et nos esprits fainéants pourraient être tentés de ne pas progresser s’ils ne butaient pas sur ces passages difficiles. Quitte à les contourner, certes, mais pas avant de les avoir testés. Dropthumb ou pick-up note ? hammer-on ou slide ? C’est ouvert ! Chacun ses techniques. Le tout étant de ne pas céder à la facilité mais de se laisser guider par « ce qui sonne le mieux ». Alors oui, frottez-vous à l’inconnu : glânez x versions du même morceau, déchiffrez ces x tablatures et voyez (entendez) celle qui sonne le mieux à votre oreille. Et mixez-moi tout ça dans une nouvelle version, la vôtre.

Publié par Jeepeedee

Je joue du banjo clawhammer (plusieurs heures par jour) depuis 2017. C'est devenu mon instrument de prédilection.

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